Guilty or not? (who cares)

Samedi, 6 juillet 2013, 1:00 du matin. Les gens de la municipalité de Lac-Mégantic sont en train de faire la fête au Musi-Café, en train de dormir, en train de marcher dans leur petit downtown touristique. Ils n'ont aucune idée que dans quelques instants, leur passage sur Terre sera terminé. C'est le temps que la vie leur a donné. Pour certains, ça aura été 93 ans, pour d'autres, un maigre 28. Mais c'est ainsi. C'est ça qu'elle a décidé, elle, la vie. Dans son agenda, elle avait mit un deadline (au sens propre du mauvais jeu de mots) pour ces gens-là. Pourquoi? On sait pas trop.

Mais c'est de sa faute à elle, et uniquement à elle. Parce que la vie, c'est une salope.

Elle se donne le droit de te mettre sur cette planète. Elle se donne donc le droit de t'enlever à celle-ci. Elle décide d'anéantir tes projets futurs, de détruire ton futur mariage, tes enfants, la maison que tu aurais eu, peut-être. Elle se laisse la latitude de laisser le chien que tu aurais adopté au refuge sans amour, parce que tu n'iras jamais le chercher. Elle se donne l'abominable privilège de t'arracher aux gens qui t'aiment et qui auraient aimé vieillir à tes côtés. Ouais, la vie est une belle, belle salope.

Et nous, petit peuple, on cherche à mettre la faute sur quelqu'un. Pas sur la vie, sur quelqu'un. On cherche à défouler notre rage et notre peine sur quelque chose, n'importe quoi. Parce qu'on a rien compris. Parce que c'est ça qu'on fait ici, au Québec. On doit absolument pointer quelqu'un du doigt et le blâmer pour ce qui arrive. Nous avons besoin d'un coupable pour assouvir notre soif de drame. Juste pour rendre le tout encore plus mêlant, encore plus difficile.

Allons-y, mêlons tout le côté politique et monétaire à la tragédie après même pas une semaine entière depuis. Allons-y, mettons l'emphase sur une compagnie ferroviaire qui a été une ''grosse méchante'', plus que sur les familles qui souffrent, plus que sur les disparus. On est bons là-dedans.

Justice devra être faite, et elle sera faite en temps et lieux. On le trouvera, le bobo. Mais à l'heure qu'il est, les gens qui sont en deuil d'une ou plusieurs personnes ont besoin de soutien. D'amour et de chaleur. Les règlements de comptes entre gouvernement, peuple et compagnie ferroviaire, please, ça pourrait attendre. Minimum de respect. On a même pas retrouvé la moitié des personnes portées disparues que l'on cherche c'est qui l'cave qui a omit d'enclencher les freins à main. Des centaines de personnes sont en attentes de savoir quand ils pourront commencer à faire le deuil de leur fille, de leur frère, de leur ami.

À mon avis, faire débarquer un big shot in extremis de compagnie dans leur petite ville ne règlera rien. Et malheureusement, la seule et unique chose que cela ne fera pas surtout, c'est de ramener ceux qui y sont resté. Et ce serait ça, le plus important. Si on pouvait taper sur la tête de quelqu'un jusqu'à revenir à la nuit du 6 juillet pour empêcher ce train de traverser la ville, ça vaudrait la peine. Mais attendez, c'est pas un film de Disney, la vie. Ou plutôt la mort. Rien n'est un conte de fée.

La municipalité de Lac-Mégantic a besoin d'aide, présentement. Si le synonyme de ''soutien'' veut dire faire venir le président de la compagnie de train pour qu'il donne des réponses que lui même n'a pas, on peut passer notre tour. Le centre-ville a besoin d'être reconstruit. Les vies des habitants de la ville ont besoin d'être refaites. Les gens ont besoin de passer du temps en famille pour apaiser leur douleur. Ils ont besoin de réconfort pour essayer de pardonner à la vie, qui leur a tout volé. Qui a osé incruster dans leur mémoire un souvenir d'une nuit atroce qui ne s'effacera malheureusement jamais.

À quoi ça sert de trouver un coupable, là, tout de suite? Je vous le demande.

Parce que moi, en ce moment, je suis juste en joualvert après la vie. La seule sur qui on peut se défouler et sacrer après, pour l'instant.